Article d’Andreas Burgener, Directeur d’auto-suisse, l’Association des importateurs suisses d’automobiles

«Le peuple suisse veut protéger le climat, mais il ne veut pas avoir le sentiment d’être puni ou de se voir encombré d’interdictions. Dès lors, le Conseil fédéral mise désormais sur des mesures, mais renonce aux interdictions et aux taxes.» C’est ce qu’a dit la conseillère fédérale et ministre de l’environnement Simonetta Sommaruga dans une interview à la télévision suisse alémanique en septembre 2021. Il y était question de la suite des démarches du gouvernement après l’échec de la loi sur le CO2 aux urnes, qui semble déjà sombrer dans l’oubli. Non seulement la taxe sur le CO2 prélevée sur les combustibles a augmentée au taux maximum de 120 francs par tonne, mais le Conseil fédéral a également renforcé les prescriptions sur les émissions s’appliquant aux voitures de tourisme neuves à partir de l’année prochaine. Cela engendrera une hausse du prix d’achat des véhicules pour les familles et les entreprises, et ce en plein milieu d’une période où une pénurie de puces électroniques limite massivement la disponibilité des voitures neuves.

Renforcement à court terme

A la fin novembre, le Conseil fédéral a annoncé qu’il adaptera l’ordonnance relative à la loi sur le CO2 début 2022. Entre autres, cette ordonnance règle l’introduction échelonnée, dite «phasing-in», de la valeur cible de 95 grammes de CO2 par kilomètre qui s’applique aux voitures de tourisme neuves depuis 2020. Sous forme du phasing-in, le Conseil fédéral avait décidé que la valeur cible serait introduite progressivement sur trois ans, jusqu’à ce qu’elle s’applique à tous les véhicules neufs à partir de 2023. Jusque-là, il était prévu d’augmenter chaque année la part du parc de voitures neuves à laquelle s’applique la valeur cible: 85 % en 2020, 90 % en 2021, et le taux prévu pour 2022 était de 95 %.

Or, le Conseil fédéral a supprimé la dernière étape pour les voitures particulières neuves, et ce bien qu’une règlementation correspondante introduite dans la loi sur le CO2 par le Parlement ait été refusée par le peuple. Oui, les ordonnances sont en principe du ressort du Conseil fédéral. Mais dans ce cas, la modification des règles à la dernière minute a en effet un arrière-goût de duplicité (voir la citation de Sommaruga ci-dessus).

Les changements entraînent une hausse des prix

Décidé par le Conseil fédéral lui-même, le phasing-in était un outil intelligent pour ne pas introduire la valeur cible considérablement plus stricte d’un jour à l’autre en 2020. Car cela aurait engendré des amendes élevées pour les importateurs, que ceux-ci auraient dû, bon gré mal gré, répercuter sur les clients. En effet, tout dépassement, même minime, de la valeur cible coûte cher: quelque 100 francs par gramme, multipliés par le nombre de véhicules importés au cours de l’année. Pour les grands importateurs avec plusieurs dizaines de milliers de voitures neuves par an, les sanctions peuvent rapidement atteindre des dizaines de millions.

L’idée consiste à répercuter cet argent sur les prix des véhicules. Et c’est exactement ce qui va devoir se passer. En période de crise avec pandémie et pénurie de puces, où le secteur automobile suisse se bat pour la livraison de chaque véhicule, cela est véritablement un coup dur. Qui est d’autant plus surprenant que les importateurs d’automobiles peuvent faire état d’un gros succès au niveau de la diffusion de la mobilité électrique, la part de marché des voitures électriques et hybrides rechargeables ayant dépassé la barre des 20 % cette année. La feuille de route pour la mobilité électrique, initiée par le département DETEC sous la prédécesseuse de Sommaruga, Doris Leuthard, ne visait qu’une part de marché de 15 % pour 2022.

La Suisse fait cavalier seul pour les objectifs des petits fabricants et des fabricants de niche

La suppression à court terme du phasing-in n’est pas le seul point qui entraînera une hausse des prix des véhicules. En mettant en œuvre une intervention parlementaire, le Conseil fédéral a supprimé les objectifs spéciaux s’appliquant aux constructeurs de petites séries et de niche, qui avaient été repris de l’UE, où ils sont toujours en vigueur. Leur but consiste à éviter que le développement coûteux de véhicules à faible émission de CO2 conduise les petits constructeurs automobiles à la faillite en leur accordant quelques années supplémentaires. La mise en œuvre de cette motion fait tourner à l’absurde le mantra selon lequel la Suisse reprend généralement les dispositions en matière de CO2 de l’UE.

L’intervention vise les véhicules de sport et de luxe, mais elle affecte surtout des marques populaires destinées au grand public, telles que Subaru ou Suzuki. Qu’un bolide coûte quelques dizaines de milliers de francs de plus ne joue aucun rôle pour ses acheteurs généralement fortunés. En revanche, sur le marché de masse sensible aux prix, quelques centaines de francs peuvent faire la différence. Ainsi, un nouveau bâton est mis dans les roues de l’industrie automobile. Les fonds ainsi engagés seraient plus utiles dans la promotion de propulsions alternatives. A noter que la mise en œuvre a eu lieu en un temps record de moins de deux ans entre le dépôt de l’intervention parlementaire et son application.

Les deux changements de règles à court terme entraîneront une hausse des prix des véhicules et donc une charge supplémentaire pour les clients privés et les entreprises. On dirait que le Conseil fédéral a en un rien de temps mis aux oubliettes son intention de renoncer à des mesures engendrant des coûts supplémentaires pour réglementer le CO2.